- FRONT (météorologie)
- FRONT (météorologie)En météorologie, on appelle «front» l’intersection d’une surface frontale avec une surface quelconque, en particulier avec le sol, la surface frontale désignant l’interface entre deux masses d’air de propriétés différentes. Par abus de langage, le terme «front» est également utilisé comme synonyme de surface frontale.La théorie complète des fronts a été développée entre 1918 et 1926 par des météorologistes norvégiens (Vilhelm et Jacob Bjerknes, Halvor Solberg, Tor Bergeron), d’où l’appellation généralement usitée de «théorie de l’école norvégienne». Ces chercheurs disposaient alors d’un certain nombre de renseignements sur l’atmosphère grâce, notamment, aux lancers de ballons-sondes. Depuis, les nouvelles méthodes d’observations (radio-sondages, radars-vents, lidars, radars permettant la détection des grosses gouttes d’eau et, surtout, satellites météorologiques) ont fait progresser la connaissance de l’atmosphère. Elles ont confirmé les grandes lignes de la description des fronts établie par les météorologistes norvégiens. Mais de nombreuses recherches doivent être poursuivies pour expliquer physiquement l’ensemble des phénomènes frontaux (considérations mécaniques et thermodynamiques) et pour définir un procédé objectif d’analyse des fronts.1. Surface frontaleDans l’atmosphère, il n’existe pas de surface de discontinuité au sens strict du terme. Les diverses masses d’air de la basse atmosphère, ou troposphère, sont séparées par des couches de transition ou de mélange plus ou moins épaisses. Ces couches sont peu inclinées sur la surface terrestre, leur pente étant généralement de l’ordre de 1/200 à 1/100. Il s’ensuit qu’une zone de transition de 50 kilomètres d’étendue horizontale correspond à une épaisseur verticale de 250 à 500 mètres, ce qui permet d’assimiler à des surfaces ces couches de transition, d’épaisseur relativement faible.En général, au sein d’une même masse d’air, les propriétés de l’atmosphère varient peu sur des distances horizontales considérables, ce qui revient à dire que les divers paramètres météorologiques (densité, température, humidité, visibilité, etc.) ont de faibles gradients horizontaux. Par contre, dans la couche de transition qui sépare deux masses d’air distinctes, les gradients horizontaux ont des valeurs élevées.Il résulte de ces propriétés que, dans un plan horizontal (situé à une altitude suffisante pour que les températures soient représentatives des masses d’air en jeu), la zone de transition est caractérisée par une grande concentration d’isothermes.La couche de transition séparant deux masses d’air coupe la surface du globe suivant une zone de largeur non négligeable à travers laquelle les isothermes subissent une réfraction (fig. 1 a). Si l’on assimile la couche de transition à une surface frontale, l’intersection de cette surface avec le sol est un front le long duquel la température présente une discontinuité (fig. 1 b).On désigne alors plus exactement par surface frontale (ou front) toute couche atmosphérique qui peut être assimilée à une surface de discontinuité pour les éléments météorologiques lorsqu’on se place à une échelle suffisamment grande; dans la couche elle-même, les éléments météorologiques possèdent donc un gradient horizontal élevé.En fait, parmi les surfaces de discontinuité de l’atmosphère, ne sont considérées comme surfaces frontales que celles qui ont une pente suffisante (face=F0019 礪 1/300 environ) et qui séparent des masses d’air de températures entropiques différentes au même niveau. (La température entropique, appelée aussi température pseudo-adiabatique potentielle du thermomètre mouillé, est la température atteinte par une particule d’air portée tout d’abord à son point de condensation par détente adiabatique, puis ramenée au niveau 1 000 hectopascals en étant maintenue saturée.) Parmi les autres surfaces de discontinuité, on peut citer: les surfaces limitant supérieurement des pellicules froides, les surfaces de subsidence, les surfaces limitant supérieurement la convection (par exemple, la tropopause), etc.2. Caractéristiques des divers frontsClassificationÀ l’échelle de l’atmosphère terrestre, on peut distinguer plusieurs fronts suivant leur position géographique et les masses d’air qu’ils séparent:– le front polaire , qui existe dans chaque hémisphère, sépare l’air polaire de l’air tropical; le front polaire de l’hémisphère Nord se subdivise en front polaire pacifique, front polaire américain, front polaire atlantique;– le front arctique dans l’hémisphère Nord, le front antarctique dans l’hémisphère Sud séparent l’air quasi stagnant et en voie de refroidissement radiatif au voisinage des calottes polaires et l’air en mouvement qui se réchauffe par convection sur la mer;– le front intertropical , situé près de l’équateur thermique, sépare les circulations tropicales des deux hémisphères; sur les continents, cette limite frontale ne présente généralement que peu ou pas d’activité, sauf dans le sud de la dépression intertropicale; cette zone dépressionnaire où convergent les alizés est appelée zone de convergence intertropicale;– les fronts d’alizés sont des fronts saisonniers, nets, surtout pendant l’été de l’hémisphère considéré et distinguant deux cellules anticycloniques subtropicales.Par ailleurs, les diverses parties d’un front ont des mouvements qui peuvent être différents. La partie du front dont le déplacement est faible et très lent est appelée front quasi stationnaire. Une limite frontale est dite front chaud si elle sépare deux masses d’air dont la plus chaude se propage à l’arrière de la plus froide en s’élevant au-dessus d’elle (fig. 2).De même, un front froid divise deux masses d’air dont la plus froide circule à l’arrière de la plus chaude en la soulevant.Ainsi, la naissance d’une ondulation sur le front polaire entraîne la formation d’un front chaud et d’un front froid qui se développent ensuite pour former une perturbation (fig. 3).Perturbations extratropicalesLe front polaire de l’Atlantique nord, qui, en moyenne, s’étend des côtes orientales des États-Unis d’Amérique au nord-ouest de l’Europe, a été étudié en détail par les météorologistes norvégiens.Sur ce front se développent des ondulations accompagnées d’un temps perturbé. Celles-ci et les divers phénomènes qui s’y rattachent (systèmes nuageux, hydrométéores) sont appelées perturbations du front polaire ou extratropicales. D’après l’école norvégienne, les conditions nécessaires à la formation et au développement de ces perturbations sont les suivantes:– existence préalable d’une zone frontale séparant une masse d’air tropical et une masse polaire, qui circulent d’ouest en est parallèlement l’une à l’autre, et la première plus rapidement que la seconde;– localisation de cette zone frontale dans un champ de déformation de l’atmosphère, par exemple au voisinage d’un col barométrique.Les mouvements qui s’organisent autour d’un col ont pour effet de mettre en contact des particules d’air d’origines et de températures très différentes et d’augmenter ainsi le gradient thermique horizontal (fig. 4). Plus l’angle entre l’axe de dilatation et la zone frontale est petit, plus la concentration des isothermes et la frontogenèse résultante sont rapides. Dans ces conditions, on observe le développement d’une petite ondulation sur la zone frontale un peu à l’est du col barométrique (fig. 3 a). Cette ondulation se déplace vers l’est en augmentant d’amplitude, tandis que les déformations du champ de pression initial s’accentuent. C’est ainsi qu’à l’extrémité septentrionale de la «langue» d’air chaud apparaît une petite dépression dont le centre se situe un peu en arrière de l’onde frontale. Puis l’amplitude de l’onde continue à croître alors que la dépression se creuse et acquiert une grande extension (fig. 3 b). L’air chaud opposant moins d’inertie à la progression de l’air froid postérieur que l’air froid antérieur n’en oppose à la progression de l’air chaud, on assiste au rétrécissement progressif de la langue d’air chaud près du sommet de l’onde et au soulèvement de cet air chaud. Ce processus de rejet de l’air chaud en altitude, près du sommet de l’onde, s’appelle occlusion. Les deux masses d’air froid antérieure et postérieure se rejoignent alors, près du sol; elles peuvent être séparées par un front de surface qui, suivant les caractéristiques des masses froides en contact, peut être chaud ou froid. Quant au fond de la vallée d’air chaud, il constitue un front d’altitude qui est appelé front d’occlusion ou front occlus. En principe, on trace sur les cartes la projection du front d’altitude, mais on omet en général le front de surface.Un certain temps après le début des processus d’occlusion, la dépression associée à la perturbation atteint sa profondeur maximale et sa plus grande énergie cinétique (fig. 3 c). Dans la phase suivante, l’occlusion se poursuit, l’air chaud étant de plus en plus rejeté en altitude. La perturbation prend alors la forme d’un vaste tourbillon d’air froid à peu près circulaire dans lequel le front occlus s’enroule en spirale. Puis ce front perd peu à peu toute activité (c’est la phase de frontolyse), tandis que la dépression associée se comble.Cette description de la vie d’une perturbation extratropicale date d’environ 1930; elle a été largement confirmée par les images et les mesures satellitaires.Nuages et précipitationsLes masses nuageuses étendues et les zones de précipitations se situent principalement à l’avant des fronts chauds, à l’arrière des fronts froids et aussi de part et d’autre des fronts occlus. C’est ce que montre le schéma permettant de relier les fronts aux nuages et aux précipitations (fig. 2). Dans le cas d’un front chaud actif, les précipitations peuvent s’étendre jusqu’à 300 km du front de surface, et la masse nuageuse peut atteindre 600 à 800 km de large. S’il s’agit d’un front froid, la largeur de la zone de précipitations dépasse rarement 100 à 200 km. La figure 5 montre un cas typique de répartition des nuages associés à une perturbation comportant un front chaud, un front froid et un front occlus. Dans cet exemple, chacun de ces deux derniers fronts a une longueur supérieure à 2 000 km. Il faut noter que la nature des nuages et des précipitations dépend beaucoup des propriétés des diverses masses d’air en contact; celle des nuages frontaux, en particulier, dépend du degré d’instabilité de l’air chaud. Les fronts étant situés dans des talwegs du champ de pression, ou «vallées» dépressionnaires, il en résulte que la direction d’où vient le vent tourne à leur passage dans le sens des aiguilles d’une montre pour l’hémisphère Nord, en sens inverse pour l’hémisphère Sud. Par exemple, en ce qui concerne la perturbation schématisée figure 2, le vent tourne de sud - sud-ouest à sud-ouest au passage du front chaud, de sud-ouest à ouest - nord-ouest au passage du front froid. En général, la visibilité diminue à l’approche du front chaud; elle est souvent médiocre ou mauvaise dans le secteur chaud et devient bonne dans la «traîne», à l’arrière du front froid.Remarquons enfin que, si les variations de température et de température entropique sont nettes en altitude (hausse au passage d’un front chaud, baisse au passage d’un front froid), ces variations sont parfois peu marquées ou même inversées près du sol par suite de causes secondaires, telles que le rayonnement du sol qui est essentiellement fonction de la nébulosité.3. Applications de la notion de frontGrâce au concept de front, le météorologiste peut coordonner de nombreuses observations pointées sur une carte, en faire la synthèse et les remplacer par un schéma simple et facile à extrapoler. Mais, compte tenu de la structure thermique des masses d’air en contact, les différences de saison, d’heure de passage, d’état du sol sous-jacent, etc., un front, une perturbation ont leur individualité propre et diffèrent toujours plus ou moins du schéma type indiqué plus haut. L’examen systématique des images satellitaires met en évidence une grande diversité de formes pour les perturbations. Cet examen a permis de dégager un nombre suffisant de schémas types applicables à la quasi-totalité des cas observés. De plus, en un lieu donné, les divers phénomènes permettant de définir les fronts ne se manifestent pas toujours simultanément, et il est possible d’aboutir à des tracés différents, selon les poids relatifs attachés à ces critères, dans le cas des fronts d’activité faible ou modérée.Pour pallier ces difficultés, certains météorologistes, surtout aux États-Unis, ont fait l’essai de méthodes de détermination objective des fronts sur ordinateur. Puisque, dans un plan horizontal ou sur une surface isobare, une zone frontale est, en particulier, caractérisée par une concentration des isothermes, ce sont essentiellement les valeurs critiques de certaines dérivées partielles du second ordre de la température qui servent d’information pour cette détermination objective.D’autres critères (vent, nuages, hydrométéores) peuvent être utilisés, mais il est encore difficile de définir les mieux appropriés.D’autres difficultés interviennent: l’école norvégienne a, par exemple, expliqué le processus de formation des nuages frontaux et des précipitations par l’ascension d’une masse d’air chaud sur un coin froid; mais ce processus ne s’applique pas aux basses latitudes et seulement partiellement aux latitudes intermédiaires (domaine méditerranéen). Des recherches sur la dynamique de l’atmosphère permettront d’améliorer la qualité des analyses et des prévisions météorologiques.
Encyclopédie Universelle. 2012.